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Véronique Vincent & Aksak Maboul : « Ex futur album »

March 4, 2015

 

Fondé en 1981 à Bruxelles par Marc Hollander, le label Crammed Discs s’est fait une spécialité des disques bizarres et biscornus frayant entre autres avec Fred Firth et Bill Laswell, les deux tiers de Massacre. Dans le catalogue de Crammed Discs (325 albums depuis 1981), une référence restait mystérieuse : Cram 014… Un petit retour en arrière s’impose. Au mitan des années 1970 Marc Hollander fonde Aksak Maboul formation mêlant électronique balbutiante et free jazz dont l’aventure s’arrête après deux disques. De son côté, en 1981, Véronique Vincent est la chanteuse des Honeymoon Killers, formation d’abord connue sous le pseudonyme des Tueurs de la lune de miel, un groupe de rock expérimental au succès d’estime mais bien réel qui leur vaudra la couverture du NME, signée par Anton Corbijn, un fait rarissime pour un groupe chantant en français. Là encore, l’aventure s’arrête après deux disques. Fiancés dans la vie, le couple Véronique Vincent et Marc Hollander décide alors de faire cause musicale commune sous l’alias Véronique Vincent & Aksak Maboul et enregistre dans la foulée un album : la fameuse référence Cram 014. Entre 1980 et 1983, Marc et Véronique écrivent, composent et enregistrent. Et ensuite ? Rien, le grand vide… Inachevé, l’album reste dans les tiroirs, comme dans un purgatoire pop, pendant plus de trente ans. Avant de finalement sortir, pour la première fois, en octobre 2014 sous le titre bien trouvé d’Ex futur album. Une aventure peu commune…

Alors bien évidemment, écouter pour la première fois des chansons restées inédites pendant plus de trente ans est une expérience déroutante. On est frappé avant tout par la fraîcheur avant gardiste de l’ensemble, bien plus frais et inspiré que la majorité des groupes d’influences new wave sévissant à l’heure actuelle. Déviant, azimuté, l’Ex futur album, déroute, étonne et au final séduit par son audace. Certaines titres « Je pleure tout le temps », « Réveillons-nous » lorgnent vers la world music (« Musique ethnique » comme on disait à l’époque), d’autres (« Luxurious Dub », « Le troisième personnage ») préfigurent même l’essort des musiques électroniques. Les textes de Véronique Vincent dont l’absurdité confine au génie (« Je suis née dans un frigo, j’ai les bras en chewing gum glacé » ; « l’important c’est la santé vieux, la santé de riche c’est bien mieux ») contribuent à l’étrangeté de l’ensemble. Enregistré avec des claviers cheap (« The Aboriginal Variations »), des boîtes à rythmes rudimentaires et surtout une bonne dose d’inspiration kamikaze, l’ex futur album ne ressemble finalement à rien de connu tissant des liens entre la chanson française et la pop avant gardiste. Et si le duo avait tout simplement été en avance sur son temps ? Ces chansons auraient elles été comprises dans les eighties ? Rien n’est moins sûr…

Cerise sur le gâteau, cette sortie s’accompagne d’un retour sur les planches pour Aksak Maboul et Véronique Vincent qui avait abandonné le micro depuis trente ans. Un retour qui s’annonce forcément émouvant pour la chanteuse. Quelques très rares dates seulement sont prévues, dans le cadre du festival les femmes s’en mêlent (le 16 mars à Paris au divan du monde), l’occasion de dire : « J’y étais » !

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