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Chet Baker : « Strollin’ » (1986)

February 18, 2016

Le crépuscule a quelque chose de profondément émouvant. Lorsqu’il se présente, le 21 juin 1985, sur la scène du Jazz Festival Münster en Allemagne de l’Ouest, comme on disait à l’époque, Chet Baker n’est accompagné que de deux musiciens. Le guitariste Philip Catherine (attention ne pas confondre avec le trublion homonyme qui agite la chanson française) et le bassiste Jean-Louis Rassinfosse. Les trois musiciens livrent alors une relecture, autant intime que passionnante, du parcours de Baker. Car il n’est finalement question que de ça ici, du crépuscule et des derniers souffles de vie qui s’échappent de la trompette de l’ancien apôtre du style cool Californien. Autrefois, Baker était un beau gosse, un Adonis avide de plaisirs faciles pour qui la vie n’était qu’une fête gigantesque et sans fin. C’est peu dire que Baker a brûlé la chandelle par tous les bouts possibles et imaginables. Lorsqu’il se présente sur scène en ce mois de juin 1985, c’est un homme usé, fatigué en bout de course. Cet album « Strollin’ », flâner en français, en sera la bande son. Le titre est particulièrement bien choisi. Le disque est une flânerie, une promenade à la coule, délaissant les grands axes pour mieux préférer les contre-allées et les ruelles. L’intimité du trio saute aux oreilles et touche au cœur, on n’est pas là pour faire du bruit, les instruments se taisent littéralement, on se réchauffe en musique au milieu de la nuit. L’ambiance est nocturne et urbaine. On imagine un club, quatre murs de briques rouges, un bar en bois où cohabitent verres vides et cendriers fumants. Dehors, il fait froid, il pleut certainement, l’embrouille est au coin de la rue. La musique comme refuge, un cocon douillet. Cinq titres seulement sont au programme mais tous flirtent avec les dix minutes, voire les dépasse allégrement dans le cas de « Leaving ». S’il est bien sûr question de jazz, l’interaction entre la guitare et la basse fait que le blues n’est jamais très loin (« Leaving »). La musique swingue tranquillement, entre recueillement et tension sous-jacente (« Love for sale »). Le seul titre chanté, « But not for me », est placé en toute fin d’album dans une version mélancolique et crépusculaire comme un reflet en négatif de la splendeur passée. Deux ans après la sortie du disque, en 1988, Chet décède, à Amsterdam, dans des circonstances troubles…

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