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Les Voix du Mississippi de William Ferris

July 31, 2014

Folkloriste réputé, enseignant à l’université, William Ferris a, entre 1967 et 1974, écumé son Mississippi natal à la recherche de « voix », celles des musiciens, bluesmen pour la plupart, dont la notoriété locale ne dépasse guère les frontières de l’état (à l’image de l’excellent pianiste Lee Kizart dont le portrait orne la couverture). Des heures de conduite, des dizaines de rencontres et d’entretiens dont Ferris à tiré ce livre somme. Bien rapidement, la lecture dépasse rapidement le simple cadre musical. Car le grand mérite de cet ouvrage est de replacer la musique dans son contexte géographique (de nombreuses cartes illustrent la chose) mais, surtout, sociologique. Sous ce prisme le blues s’impose comme une musique de travail, un chant accompagnant le dur labeur dans les champs sous le cagnard. A l’opposé de nombreux clichés la présentant comme une musique triste voire dépressive, le blues apparaît, au fil des pages, sous son véritable jour. Celle d’un chant donnant force et courage, dans le fol espoir d’un lendemain meilleur. A l’exception de B.B King et de Willie Dixon, les musiciens présentés dans ces pages ne sont pas professionnels, ce sont avant tout des travailleurs qui, accessoirement, chantent. Ce qui donne encore plus de force aux témoignages. Ferris va même interviewer un gardien de prison ou un prêcheur rencontré au hasard d’une route…

Pour compléter l’expérience, le livre est accompagné d’un DVD présentant les films réalisés par Ferris au cours de son périple et surtout, d’un CD de 22 plages. Grâce à ces différents supports (sons, images, photos et textes) la lecture prends tout son sens, il s’agît d’une véritable immersion dans la ruralité étasunienne de la fin des années 1960.

Le CD est particulièrement copieux et regroupe des fields recordings, des enregistrements de terrains, effectués par l’auteur lui-même, entrecoupés par quelques extraits sonores d’interviews. Les découvertes sont nombreuses, citons entre-autres l’excellent guitariste James « Son Ford » Thomas, Lovey Williams, Sonny Boy Williams ou le pianiste Lee Kizart. Mais les plages les plus intéressantes, suivant l’angle sociologique suivi par l’auteur, sont certainement celles signées Mary Gordon (« You shall be free » a cappella avec les crickets pour seul accompagnement) et les deux chants (« Lazarus » et « Oh Rosie ») par les détenus du camp B du pénitencier de Parchman, rythmés par le bruit des bêches frappant le sol, illustrant avec force la notion de labeur dont on parlait plus avant. Enfin le gospel est également représenté par l’intermédiaire de la famille Chapman.

Une lecture passionnante, indispensable pour qui s’intéresse à la musique ou à son contexte rural.

Les Voix du Mississippi de William Ferris.

Éditions Papa Guédé

306 pages (inclus un cd, un dvd et une bibliographie). 38 euros.

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