Jamais sorti auparavant, voici un double album qui nous ramène à un autre temps, celui de la guerre froide, de la séparation entre les blocs de l’Est et l’Ouest, une époque où il était rarissime que les artistes traversent le rideau de fer pour se produire de l’autre côté. 1979, la Perestroïka est encore loin et pourtant, Elton John, déjà une star aux dix années de carrière pleine derrière lui à l’époque, a l’opportunité de jouer à Moscou, avec ses pianos acoustique, un Steinway grand, et électrique (Yamaha CP 80) accompagné de son fidèle percussionniste Ray Cooper. Devant un public composé pour la plupart d’officiels soviétiques et du personnel de l’ambassade britannique, le premier disque semble bien sage, les applaudissements sont certes nourris mais bien loin de la ferveur qui accompagne habituellement l’artiste, showman né, sur scène. Le public semble tenu, comme on a pu le voir lors des scènes de concert du film Leto. Ceci a néanmoins l’énorme avantage de ne pas perturber l’écoute, le contexte dépouillé aidant à mettre en valeur l’écriture d’Elton John, le long de la setlist, un défilé de tubes (« Rocket man », « Don’t let the sun go down on me », « Goodbye yellow brick road ») qui gagnent en longueur. A noter, Elton John, fou amoureux des musiques noires termine le premier set par une reprise exaltée, près d’un quart d’heure, du « I heard it through the grapewine » de Marvin Gaye.
Les choses s’accélèrent sur le deuxième disque et l’entrée en scène de Ray Cooper. Dès que ce dernier entre dans la danse la foudre, le tonnerre s’abat sur la musique, lui conférant une intensité, voire une violence, inédite ou, pour le moins, très rare dans le contexte pop de la musique d’Elton John. Ce n’est qu’à partir de la quatrième plage, « Bennie and the jets » (près de douze minutes) que le feu prend parmi le public, cris, hurlements, sifflets… Ça y est c’est bon, c’est dans la poche, le tour est joué, l’artiste a gagné son bras de fer, c’est l’autoroute jusqu’à la fin du concert, lequel se termine par un medley dantesque et un clin d’œil aux Beatles « Get Back » et un « Back in the USSR » bien de circonstance. Un double album bilan pour le chanteur, les années 1970 s’achèvent, l’insouciance également et la décennie suivante sera autrement plus douloureuse, mais ceci est une autre histoire…
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