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Les Trésors du Rock de Philippe Manœuvre

September 29, 2013

Petite entorse aujourd’hui au concept de ce site, chroniquer des disques anciens, pour vous entretenir d’une production somme toute assez récente « Les Trésors du rock » de Philippe Manœuvre. La compilation transversale est le genre d’exercice casse-gueule par excellence. La problématique est toute simple : comment rendre cohérent un agrégat d’artistes d’époques différentes (des 1960s aux 1990s) aux inspirations multiples ? En gros du psychédélisme à la new wave en passant par le punk. Philippe Manœuvre, le pionnier du journalisme rock en France, animateur sur OUI FM et rédacteur en chef de Rock n’Folk, a choisi un double prisme : remettre au goût du jour des groupes tombés aux oubliettes (Dwight Twilley, The Meteors) et présenter les supers stars à travers des titres plutôt méconnus (« I’ll be back » d’Elvis Presley 1966). C’est d’ailleurs de cette façon que s’ouvre ce copieux (40 titres) double album (triple même pour l’édition vinyle) avec « See what a fool i’ve been » face B du troisième 45 tours de Queen (1974) étonnante chanson où le groupe improvise sur une trame heavy-blues classique, un peu à la manière de Led Zeppelin ; Freddy Mercury retrouvant même pour l’occasion les intonations de Robert Plant. Autre surprise « Student Demonstration Time » (1971) des Beach Boys ou le groupe évolue sur une grille blues à des années lumière de la pop qui a fait leur réputation. C’est une facette plutôt électrique, dure, du rock n’roll, jamais très loin du blues, qui est ainsi mise en lumière et, forcément, les guitar-heros sont à la fête : Jimmy Page (via les Yardbirds) avec « Think about it » (1968), le trop mésestimé Robin Trower, très digne descendant de Jimi Hendrix, soit dit en passant, (« Bridge of Sighs », 1974), John Cipollina (Quicksilver Messenger Service : « Fresh air », 1970), Brian Setzer  (The Stray Cats : « Little Miss Prissy » 1981) ou bien encore l’attachant et regretté Rory Gallagher (« Big guns », 1982). Dans le même ordre d’idée on ne peut que se féliciter de la présence des inestimables Pretty Things (« Cries from the midnight circus », 1970) et autres UFO, avec un autre grand six-cordiste Michael Schenker futur Scorpions (« Doctor, doctor », 1974). Le merveilleux Nick Drake (« River Man », 1974) apporte la note folk ; Syd Barrett (« Gigolo Aunt », 1970), Devo (« Working in a coal mine », 1983), The Lords of the new chuch (« Russian Roulette », 1983), The Slits (surprenante reprise d’ « I heard it through the grapevine », 1979) et Todd Rundgren (« I saw the light », 1972) le grain de folie nécessaire. Le psychédélisme n’est pas oublié via Love (« The Daily planet », 1967) et The Byrds (« Wasn’t born to follow », 1968). Blue Cheer (« Satisfaction », 1968) et Ten Years After (« Stoned Woman ») ne seront pas sans rappeler quelques souvenirs aux plus fidèles lecteurs de cette page. Seul groupe français sélectionné, le trio Bijou met le feu avec un titre toujours aussi brûlant d’actualité (« Je déteste les mecs comme toi », 1981) et ça tombe bien par ce que Bijou est à peu près ce qui s’est fait de mieux en matière de rock n’roll chanté en Français (avec Ronnie Bird). Entre autres qualités, celle compilation en a une énorme, réhabiliter le psychobilly, style typique des années 1980 mélange détonnant entre rockabilly et rock gothique, en la matière les Cramps furent les rois : l’ultra dynamique « The Crusher » (1981) : 1 minute 44 de rock n’roll incandescent.

En fonction de ses goûts personnels, chacun trouvera de quoi se délecter dans cet excellent disque mais pour l’auteur de ces lignes, deux révélations majeures se détachent du lot : le pionnier power pop Dwight Twilley (« TV », 1976) et le trio psychobilly The Meteors (« Voodoo Rhythms », 1981) : martellement tribal de la batterie, solo de guitare à se damner, aucun doute c’est la grande classe.

Un petit mot pour finir sur la magnifique pochette signée Ben Hito, rappelant un peu celle du « Nightfly » de Donald Fagen, qui permet de renouer le plaisir d’écouter un disque, scruter longuement dans le moindre détail l’objet : imaginer, rêver… Et cela fait du bien en cette époque où le mp3 stérile règne en maître. Compilée avec amour, cet album donne l’impression d’avoir, complètement par hasard, trouvé la meilleure fm du monde. Un véritable disque de chevet…

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