Récemment réédité dans un traitement luxueux, digipack, trois disques, pochette sérigraphiée, ce troisième album de Metallica représente autant l’acmé du quatuor dans un style de métal progressif qu’une fin de cycle pour le groupe. Aux antipodes du hair metal en vogue à la même époque au sud de la côte californienne, le groupe oppose au genre glam et décadent un démenti formel. A Los Angeles, l’alcool coule à flot les rues de la Sodome et Gomorrhe des eighties, la musique évoque le sexe à foison, les filles aguicheuses en bikini jaune fluo, la drogue. Les membres de Metallica, tous de noir vêtus, tirent la tronche (rares sont les photos où on les voit sourire) et composent la bande originale, délétère, d’un monde en déréliction : et justice pour tous ! Un aspect prédominant du disque, outre sa noirceur, est sa complexité. Seulement neuf titres mais plus d’une heure de musique, rares sont les morceaux en dessous des six minutes (seulement deux : « Harvester of sorrow » et « Dyers Eve »). Par contre Metallica aime prendre son temps et étire ses compositions jusqu’à flirter avec les dix minutes (« … And Justice For All » ; « To live is to die »). Et pendant ce temps-là on se demande où est passée la basse de Jason Newsted que, de fait, on n’entend quasiment pas dans le mix. Voici donc un disque complexe, qui multiplie les fausses pistes et autres trappes au sein du même morceau qui passe du chaud au froid, des passages mélodiques et apaisés aux furieuses attaques de guitares et roulement de batterie, double pédale à fond (« One » , “To Live is to Die”). On apprécie particulièrement le fait que, toujours, la voix, le chant de James Hetfield, reste intelligible, les grognements gutturaux savamment maîtrisés. Une approche quasi progressive pour autant de démonstration de virtuosité des musiciens (le batteur Lars Ulrich et la paire de guitaristes déchaînés Hammett / Hetfield impressionnent dans ce contexte). Buttant sur la difficulté de reproduire une telle complexité sur scène, Metallica changera rapidement d’orientation lors de la décennie suivante, décrochant le pompon FM / MTV au passage (l’album éponyme à la pochette noire). Cette réédition met donc le paquet. On passera rapidement sur le deuxième cd, une collection de démos présentées dans le même ordre que l’album original, sans grand intérêt. Par contre le très dense disque live enregistré lors de la tournée 1988/1989 vaut son pesant de décibels, les watts dans le rouge.
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