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On l’appelait Roda, un film de Charlotte Silvera

October 19, 2018

 

Une grande crinière blanche, la clope éternellement clouée au coin de bec, Etienne Roda-Gil, homme de lettres et parolier de plusieurs stars de la chanson française (mais aussi de quelques anglo-saxons comme Roger Waters ou Marianne Faithful, on l’a un peu oublié), déambule dans les rues parisiennes, jamais très loin d’un troquet ou de son fief de « La Closerie des Lilas ». Cette homme, décédé en 2004, la réalisatrice Charlotte Silvera, a eu la chance de le compter parmi ses amis. Aujourd’hui la cinéaste consacre un documentaire, remarquable, à la mémoire de son ami et qui sortira le 31 octobre. La cinéaste a sous la main un trésor inestimable : des dizaines d’heures d’archives filmées, où Etienne se raconte, et qui constituent le cœur du film et son sujet. Ainsi au lieu de dérouler sa vie, le métrage cherche plutôt a mettre en perspective la personnalité de Roda-Gil. Et Dieu sait si cette dernière était riche ! Homme de culture et d’une grande érudition, marqué par son histoire familiale, né de parents réfugiés Catalans, Roda-Gil avait une manière toute particulière d’aborder l’écriture : « Chaque texte contient un sous-texte dans lequel se cache un savoir dans lequel on retrouve une vie quotidienne ». Concrètement, on découvre ainsi que « Alexandrie, Alexandra » (Claude François) est une évocation subtile de la jeunesse égyptienne et du père du chanteur. Autre exemple « Le lundi au soleil », sous-entendu le lundi on travaille, donc le soleil c’est pour les autres. Une évocation assez peu équivoque des convictions sociales de l’auteur, son grand sujet de prédilection (l’autre étant la gente féminine). Et la culture populaire de s’afficher sous un jour nouveau, insoupçonné, insoupçonnable, culture que Roda-Gil avait su infiltrer avec talent. On tombe littéralement sous le charme de l’auteur, relativement inconnu du grand public, à l’inverse du tombereau de tubes dont il a signé les paroles, de son timbre rocailleux et de son verbe érudit, traversé d’éclairs prophétiques : « Une société qui fabrique des barbares se les prend dans la gueule » disait-il dix ans avant Charlie Hebdo et le Bataclan. Il se définissait comme « un poète industriel », noircissait des cahiers aux tables des cafés parisiens, affichait une foi inébranlable en la République et la laïcité. On l’appelait Roda…

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